Warning: Cannot modify header information - headers already sent by (output started at /mnt/111/sda/3/f/jacky.ickx/livre.php:12) in /mnt/111/sda/3/f/jacky.ickx/routines.php on line 18

- 6 -
MONSIEUR LE MANS

Bien que je sois totalement et fortement opposé à l'étiquette que l'on fait porter à Jacky Ickx au mois de juin de chaque année "Monsieur le Mans par-ci, Monsieur le Mans par-là", force est de reconnaître que les performances et exploits personnels qu'il a réalisés sur le circuit de la Sarthe, méritaient bien de leurs consacrer un chapitre.

Contre, parce qu'à mon avis, le fait de baptiser un pilote au vu d'un résultat ou du déroulement d'une seule course dans l'année, veut dire que ce personnage n'est bon que là, et pas ou plus ou moins, ailleurs. Ca veut dire peut être aussi, que la personne qui le baptise ainsi, ne connaît pas Jacky Ickx.

Si, dans la rue, vous demandez :
- Jacky Ickx, vous connaissez ?
- Heu ! Ah oui, c'est lui qui a gagné les 24 heures du Mans.
- Oui, mais encore, à part ça ? ?
- Je ne sais pas !
Pourtant, si on regarde les chapitres précédents et s'il était possible de représenter d'une façon concrète le volume de sa fabuleuse carrière, on s'apercevrait que Le Mans ne représente qu'un tout petit point perdu en plein milieu d'un univers.
En fait, les débuts de, Monsieur Le Mans, n'ont pas toujours été aussi couronnés de succès, que ces dernières années.
En 1968, Ickx et Redman qui devaient piloter une certaine GT40 n°9 étaient tous les deux immobilisés à la suite d'un accident. La voiture se voit confiée à des "remplaçants" : Pedro Rodriguez et Lucien Bianchi. Et bien, pour des remplaçants, ils s'en tirent tout simplement par une... victoire.
Pour sa participation en 1969, aussi bien son départ que son arrivée en feront un véritable héros.

Quatorze heures. La course est lancée et Stommelen qui se montre le plus prompt, profite de la puissance de sa Porsche 917 pour faire un départ des stands dans une impressionnante glissade. Comme à l'habitude les attardés sont nombreux mais la palme revient à un jeune Belge de 24 ans du nom de Jacky Ickx. Adversaire farouche des départs type "le Mans" (comme son nom l'indique), il traverse la piste... au pas, fait mine de chercher ses clefs, monte enfin dans la voiture, s'attache soigneusement, ferme la portière, lance le moteur, et part le... dernier !
La GT40 n°6, LA voiture qui a gagné l'an dernier, vient à peine de disparaître dans la courbe Dunlop, que les haut-parleurs donnent déjà les positions des premières voitures au niveau de la ligne droite des Hunaudières.
La motivation principale de cette procédure de départ en était une protestation contre le départ de ce type où l'on attaque les Hunaudières comme un boulet de canon sans avoir pu attacher correctement son harnais de sécurité "C'est impossible à une telle vitesse de s'attacher correctement". Peut-on faire de ces quelques mots de Jacky Ickx une liaison avec l'accident mortel de John Woolfe, avant même la fin du premier tour ? Nul ne le saura jamais.
Compte tenu des voitures vraiment très lentes, qu'il a rapidement rattrapé et des ralentissements ou hésitations des pilotes sur le lieu du malheureux accident, Jacky Ickx est malgré tout remonté à la 1e place avant la fin du 1er tour.

La Porsche n° 12 de Vic Elford et Richard Attwood dicte sa loi 18 heures durant. Son abandon va donner lieu à un duel grandiose. Porsche favorite, ce n'est plus un doute, mais que vient faire cette Ford n° 6 ? Plus les aiguilles tournent et plus elle se rapproche de la tête de course. Partie bonne dernière, est-elle en train de renverser tous les pronostics ? Pourtant après 20 heures de course, tous les "lièvres" tant épuisés, c'est bel et bien la Ford n° 6 qui mène la danse.

La Porsche 908 n° 64 de Herrmann et Larrousse rejoint la Ford, et les trois dernières heures vont donner lieu à un chassé croisé de très haut niveau. Chaque équipage se surveille, s'analyse, se teste des dizaines de fois. Pour le dernier relais, alors que Herrmann remplace Larrousse chez Porsche, Ickx demande de terminer la course, il est "chaud" il a l'esprit dans la bataille, il connaît maintenant le comportement de la Porsche par cœur, ses atouts, ses faiblesses.

Dans le dernier tour Ickx est derrière Herrmann à la sortie du Tertre Rouge, il se fait aspirer et double la Porsche à Mulsanne. C 'est gagné, dans la dernière partie du circuit, la Porsche ne peut plus le doubler.
Seulement voilà, dans le feu de l'action, Jacky ne s'était pas aperçu qu'il n'était pas 14 heures, il faut faire un autre tour. Les rôles sont inversés, le plan de Jacky tombe à l'eau, c'est foutu. Herrmann ne se laissera pas piéger deux fois.
A la sortie du Tertre Rouge, c'est donc la Ford qui aspire la Porsche. Ce n'est pas bien ça. Au milieu des Hunaudières Jacky lâche les gaz un court instant, et Herrmann qui le croit en difficulté, le dépasse sans se douter de la ruse du Belge. Jacky se colle à la Porsche, et dans l'aspiration, le redouble à Mulsanne. Il est 14 heures passées, les 24 heures du Mans sont officiellement terminées.
Jacky n'a plus droit à l'erreur. Il maintient un rythme d'enfer. Il regarde plus souvent dans ses rétroviseurs que la route qui, devant lui s'engouffre sous le nez de sa Ford car il doit absolument maîtriser le comportement de la Porsche.
Au passage du drapeau à damiers il devance la Porsche de 120 mètres.
Jacky Ickx, parti dernier, remporte, les 24 heures du Mans 1969.
Jacky nous commente ce dernier tour :
"Herrmann a vu que l'on ne pouvait se larguer, ni l'un, ni l'autre. Il a ménagé sa monture, et j'en ai fait de même. Pour moi, ces deux dernières heures ont été simplement la répétition des deux derniers tours. Savoir à quel endroit de la ligne droite je pouvais le passer pour être sûr qu'il ne me saute plus. Ensuite, dans le cas où je ne serais pas arrivé 1er à Mulsanne, j'avais encore une solution. A la sortie de Maison Blanche, j'ai essayé par deux fois de le déborder par la gauche, et ça a marché à merveille. J'ai donc entamé en tête de la ligne droite, j'étais en 5e avec très peu de gaz. Lui, ne voulait pas me dépasser car il savait comme moi que le premier de nous deux qui était en tête au début de la ligne droite était, vu, revu, et corrigé. On a fait le premier tiers vraiment au ralenti. Tout a coup excédé, il a tenté de me décoller. Très vite j'ai fait une rechute en 4e et me suis collé derrière lui. Dans le dernier tiers je l'ai passé, et il n'a pu reprendre le dessus".

Jacky Ickx et Jackie Oliver, ont su, malgré l'absence du grand patron John Wyer, adopter la tactique idéale, rouler selon leurs moyens, en prenant soin de la voiture comme s'il s'agissait d'eux-mêmes, et ce n'est pas le moindre mérite de ces jeunes loups de 24 ans que d'avoir su plier leur fougue, leur exubérance naturelle, aux nécessités du moment.
La référence était bien choisie, le palmarès en a pris note.



L'inoubliable départ



Concentration extrême quelques minutes avant
le dernier relais



La non moins inoubliable arrivée

L'édition 1970 se déroule sous un véritable déluge durant toute la course.
A la suite d'une défaillance du système de freinage, Jacky Ickx sort de la piste au virage Ford. Herrmann prend sa revanche sur l'année précédente et en compagnie de Attwood, ils remportent l'épreuve au volant d'une Porsche.
A noter que le comportement de Jacky Ickx au départ de l'année précédente a porté ses fruits, puisque le départ type" Le Mans" est abandonné définitivement. En 1970, les voitures sont toujours rangées en épi devant les stands mais les pilotes sont à bord, harnachés et démarrent les moteurs au baissé du drapeau tricolore. Dès 1971, après avoir fait un tour de chauffe derrière une voiture ouvreuse, les voitures, rangées deux par deux, s'élanceront pour 24 heures au passage sous le drapeau tricolore.

En 1971, Ickx et Ferrari ne participent pas aux 24 heures, car la mise au point de la 312PB est en cours.
En 1972, nouvelle absence de Jacky Ickx, mais cette fois ci, parce que la Ferrari 312PB est... top bien au point ; ce n'est pas des rigolades !
Rappelez-vous, elle a gagné toutes les courses auxquelles elle a participé, aussi, l'usine décide de ne pas participer au Mans.

En 1973, Ferrari est bien entendu super favori. Il le sait. Seulement voilà, elle n'est pas préparée avec le sérieux d'une course de 24 heures, au contraire de Matra, et pour pas grand chose !
Après un splendide chassé croisé pendant les trois quarts de la course Ickx et Pescarolo sont dans le même tour après 16 heures de course. Un pot d'échappement se casse sur la Ferrari, et sème un doute sur la fin de course. La Matra gagne peu à peu du terrain. A 5 heures du but, Jacky, complètement trempé d'essence, descend de la barquette. Vingt minutes plus tard la fuite est réparée mais la Matra passe devant les stands avec 4 tours d'avance. Les ennuis mécaniques frappent à leur tour la voiture Française, puisqu'un démarreur coincé l'immobilise au stand pendant vingt minutes. Les deux voitures sont à nouveau dans le même tour. L'avantage est pour Jacky Ickx, mais le moteur de la Ferrari fait de plus en plus de bruit. A vingt minutes du but, Jacky Ickx s'arrête définitivement à son stand. Pescarolo et Larrousse, sur Matra, remportent l'épreuve.

Après son "divorce" avec Ferrari fin 1973, Jacky ne participe pas à l'édition 1974.

La conjoncture sociale de l'année 1975, fait en sorte que le plateau se voit diminué de quelques écuries officielles. Cette absence n'enlève bien sur, rien au mérite de Ickx et Bell, qui, au volant d'une Gulf Mirage s'imposent devant la Ligier de Chasseuil et Lafosse.

L'édition 1976 est une répétition pour Jacky Ickx, qui cette fois-ci, en compagnie de Van Lennep, inscrivent pour la première fois, dans l'histoire de 24 heures, la victoire d'une voiture à moteur turbo-compressé, la Porsche 936 en l'occurrence.

L'édition 1977, se verra attribuer une palme pour cru exceptionnel. Déjà... 4e victoire pour Porsche et 4e victoire pour Jacky Ickx. Jacky égale ainsi le palmarès de son compatriote Belge : Olivier Gendebien.
Jacky Ickx et Pescarolo se partagent le volant d'une Porsche 936.
Une 2e voiture est confiée à Jurgen Barth et Haywood mais Jacky Ickx, en tant que pilote suppléant peut, si la stratégie de course s'en fait ressentir, conduire cette voiture. Quelle bonne idée, puisque après trois heures de course, Jacky abandonne sur la première voiture pour rupture d'une bielle. Et, c'est ainsi qu'il se retrouve au volant de la 2e Porsche 936 de Barth et Haywood.
A cet instant précis la voiture est pointée à la 49e place à plusieurs tours des Renault. Le moral des troupes est au plus bas... mais ça va changer.
Comme s'il voulait passer inaperçu, c'est de nuit que Jacky Ickx va opérer. Jacky enchaîne relais sur relais. A la limite de ce qu'autorise le règlement, il conduira pratiquement toute la nuit, accompagné tout de même dans son effort par... la pluie.
Jacky se trouve dans un état de grâce divine, il se paye le luxe de battre le record du tour durant LA NUIT. Au levé du jour, complètement épuisé, Jacky cède... enfin, le volant à Jurgen Barth, la voiture est en 2e position. Continuant les efforts du Belge, Barth et Haywood exerceront la pression sur la Renault qui finira par casser.
Il reste trois quarts d'heure de course, lorsque la Porsche, qui vient de sortir du virage Ford, traîne derrière elle un épais nuage de fumée. Profitant de l'avance de 17 tours quelle possède sur la Mirage de Jarier - Shuppan, les mécaniciens tentent de colmater un cylindre percé. Jurgen Barth, en tant qu'ingénieur "maison" est choisit pour effectuer les deux tours minimums, dans un temps imparti, que le règlement exige. Il y parviendra, mais la voiture n'aurait pas pu effectuer un tour de plus.
Jacky Ickx non plus : "Cette nuit fut véritablement magique pour moi. Comme la voiture, je n'aurais rien pu donner de plus, mais ce fut un moment fantast' Ickx".

Les 24 heures du Mans 1978 sont bien sûr placées sous le signe de la revanche et la menace vient bien entendu de Renault. On a encore en mémoire la course de l'an dernier, et six voitures Françaises vont tenter de barrer la route aux quatre Allemandes. Bien qu'il ait dominé les essais, Jacky Ickx est arrêté à son stand dès le 2e tour pour un câble d'accélérateur coincé. Ce n'est pas très grave mais le voilà déjà à 5'22" de Jabouille. Six heures plus tard c'est plus grave. Il faut changer le pignon de 5e et il repart en 17e position. Les Renault vont bon train, aussi, Manfred Jantke décide de "passer" Jacky sur la voiture de Barth et Wollek, alors 4e juste derrière les trois Renault d'usine. "Il nous faut un équipier rapide sur cette voiture", précise-t-il, "sans quoi nous risquons de nous faire distancer à la régulière". D'entrée, une cadence plus soutenue est adoptée. Pas de doutes, Jacky se battra jusqu'au bout. Pour faire le coup de 1977 ? Oh oui !
Et bien, non ! Après 19 heures de course, il faut changer le pignon de 5e comme sur l'autre voiture. Bilan : 37' de perdues. Pourtant tout va basculer lorsque la n°1 de Jabouille casse. Dans le clan Germanique le sourire se dessine aux encoignures des lèvres : enfin elle a cassé. Ickx est à 7 tours de la voiture de tête de Pironi et Jaussaud.
Monsieur Le Mans, à vous de jouer, on vous regarde. "Tu feras terminer Jacky ?" demande l'ingénieur Flog à Jantke. "Bien sur, mais ça sera difficile !".
Le Champion Belge reprend ses esprits sur la table de massage. Il n'est pas loin de 14 heures de conduite, il a perdu 6 kilos ! Il y croit dur comme fer "on n'a pas encore perdu" lance-t-il, et il disparaît pour une course poursuite sans espoir.
Malgré son talent et sa rage de vaincre, il ne pourra reprendre que deux tours à la Renault. Il faut se rendre à l'évidence, les 24 heures du Mans sont pour Renault cette année. Jurgen Barth remercie le pilote Belge : "Jacky Ickx c'est le messie chez Porsche, c'est aussi le Bon Dieu. On fait appel à lui pour tous les essais et il apporte son expérience de la course aux qualités techniques des ingénieurs allemands. Complément indispensable, il est écouté à Stuttgart. Admiré au service compétition, il sait tout faire, il nous a beaucoup apporté. Nous espérons tous, qu'il trouvera la consécration au Mans. C'est une épreuve qui lui chauffe le cœur. Il possède le talent et la maîtrise de son art".
Sans commentaires.

La participation 1979 va réserver une bien désagréable sanction au pilote Belge qui court maintenant après le record absolu des victoires. Si la firme Allemande n'est pas officiellement représentée, le pétrolier ESSEX a engagé deux voiture aux mains de Ickx-Redman et de Wollek-Haywood-Barth. Ne pas préparer sérieusement les 24 heures c'est presque prendre le départ pour être vaincu. C'est ainsi que, par exemple, toute une série de jantes sont trop large et, suivant leurs écrasements, les pneus arrières touchent sur les disques de frein. En est-ce la cause ? Toujours est-il qu'à 16h45, le pneu arrière gauche explose et Redman percute les rails dans la Courbe Dunlop. Bilan : Redman maîtrise la voiture dans cette folle embardée, et ça c'est une bonne nouvelle tout au moins pour le pilote. Il mettra demi-heure pour ramener la voiture au stand. La réparation durera une heure. Wollek n'est pas épargné non plus car c'est son turbo qui fait des siennes.
Les heures passent mais la pluie fait son apparition. Les deux Porsche vont profiter de ces conditions climatiques pour faire voir que ce sont quand même des Porsche !
Une fois l'une, une fois l'autre, elles battent et rebattent le record du tour. A la 12e heure, elles occupent les 3e et 7e places. L'espoir renaît chez ESSEX. Pourtant à la 13e heure, Jacky s'arrête sur le circuit. Un mécanicien lui fait passer une courroie d'alternateur. Jacky répare et repart. Aide extérieure interdite, le règlement est le même pour tout le monde et la mise hors course est prononcée. Jacky déçu mais fair-play, ne peut qu'accepter la sanction. La 2e voiture de Wollek, cassera 3 heures plus tard.

La saison 1980, prise très au sérieux par Rondeau, va donner un certain intérêt à cette édition. Trois voitures Françaises sont aux cotés d'une vieille Porsche 908 semi-privée. Jacky Ickx et Reinhold Joest sont au volant de cette voiture regonflée et re-carrossée pour la circonstance. Début de course tranquille, et les voilà en tête à la 4e heure. Un chassé croisé va durer jusqu'à la 18e heure où Joest s'arrête pour changer le pignon de 5e (on a déjà vu ça chez Porsche).
Ickx repart avec 5 tours de retard sur Rondeau-Pescarolo. Jacky n'est pas gêné par ce genre de situation, les remontées spectaculaires il connaît. Ce sont d'ailleurs les remontées spectaculaires qui ont, entre autre, révélé Jacky Ickx au Mans.
Il joue son va-tout, cravache ferme, et, tantôt sous la pluie, tantôt sur le sec il va se rapprocher à un tour des leaders en épinglant au passage, un record du tour de plus à son palmarès. Dans la dernière heure il va reprendre quelques secondes à la Rondeau mais ce ne sera pas suffisant pour empêcher une victoire Française.Dommage que les 24 heures du Mans ne durent pas 24 heures 30'.
Voilà donc la marque Allemande qui vient d'essuyer sa 3e défait consécutive.

Pour 1981, on sort les "caisses" de 1979, on leur met un moteur qui est dérivé de celui qui est prévu pour Indianapolis, et puis on n'a plus qu'à attendre le résultat. On a déjà un avant goût de ce qu'il va être, puisque à la fin des essais, les deux voitures occupent la première ligne.
Jacky, qui est à la retraite, se paye une petite fantaisie pour essayer de décrocher sa 5e victoire. Il met quand même toutes les chances de son coté en se faisant seconder par un coéquipier de talent : Derek Bell.
Manfred Jantke s'étonne "Jacky a encore réussit à m'étonner. Cela fait 12 mois qu'il n'a pas touché un volant et il se retrouve immédiatement opérationnel. Quelques tours de réglages, et à la mi-séance de mercredi, il avait déjà fixé la pole position. Pour un pilote à la retraite c'est vraiment impressionnant".
La course est lancée et après 11 tours en tête la "Jules" n° 11, va sagement se mettre à l'abri et attendre que le peloton s'éclaircisse. Ca y est ? C'est fait ? Tout le monde s'est bien bagarré ? Alors coucou nous revoilà !
La n° 11 de Ickx et Bell est en tête et ne la quittera plus jamais.
A part deux crevaisons et les arrêts techniques, la Porsche n'a cessé de tourner comme une horloge.
C'est la fête dans le clan allemand : 5e victoire pour Ickx, 2e pour Bell et 6e pour Porsche.

Deux nouveautés mais aussi et surtout deux inconnues sont au programme des 24 heures du Mans 1982. Tout d'abord un règlement clair et net : "Vous avez 2600 litres d'essence pour arriver au terme des 24 heures, pas une goutte de plus". Ensuite, la dernière-née de la firme Allemande, la Porsche 956T.

Nous l'avons vu dans les chapitres précédents Jacky Ickx a repris du service chez Porsche où il participe, entre autre, au développement de cette magnifique 956 T.
Il prend donc part à cette 50e édition car il a très envie d'essayer cette nouvelle voiture sur une course aussi longue et éprouvante. Il a peut-être aussi envie de remporter un 6e succès. Nous allions être vite fixés sur le potentiel de ces nouvelles monocoques, mais aussi sur la détermination du pilote Belge qui, comme d'habitude, signe d'entrée la pole position, suivit comme son ombre par son coéquipier Jochen Mass.
La course est lancée, et, Jacky se contente de rouler tranquille dans le peloton de tête. La malchance qui avait accablé les Rondeau pendant les essais, semblait avoir épargné la n° 11 de Miguault-Lapeyre-Spice, qui avait mené la course trois heures durant, lorsqu'une panne d'allumage stoppa net sa route. Le même mal allait tour à tour décimer toutes les voitures de l'écurie Française.

A la mi course Ickx et Bell, traînent derrière eux tout un peloton de Porsche qui semblent toutes vivre de paisibles minutes sans soucis. Pourtant "quelqu'un" ne l'entend pas de la même oreille. Ce "quelqu'un", personne ne le voit, ne l'entend, puisqu'il s'appelle Règlement... avec sa satanée consommation. L'alarme est donnée dans tous les stands et c'est une course arithmétique qui commence.
C 'est alors que le Maître de la technique, l'ordinateur, la Machine Porsche, se met en route. On règle les ailerons au degré près, on affine les réglages de carburation, de pression de turbo, et le résultat de toutes ces données s'affiche sur les écrans : Si on veut gagner Le Mans, il faut ravitailler toutes les 55 minutes et boucler 14 tours de circuit dans l'heure.
Mais, Monsieur le Mans a déjà fait son calcul à sa façon : "Nous avons consommé 2000 litres de carburant, il nous en reste 600. Il va falloir baisser la cadence et espacer les ravitaillements, sinon...". Dans les stands, les avis sont partagés. La tension monte et les visages se ferment car ce qui compte avant tout c'est la victoire. Jacky Ickx est-il en train de voler vers sa 6e victoire ou vers la plus belle panne d'essence de sa carrière ?
A la fin de l'épreuve, ce vieux renard des 24 heures et son coéquipier Bell, vont se payer le luxe de ne ravitailler que toutes les 65 minutes, de boucler 15 tours de circuit dans l'heure, et d'avoir encore une réserve de 100 litres d'essence à l'issue de l'épreuve. Voilà La 6e de Jacky Ickx.
"Gagner six fois Le Mans est une réussite inouïe", disait Jacky, "mais ce n'est pas la victoire la plus facile que j'aie remporté". Derek Bell était lui aussi éprouvé "Cette victoire était difficile car pour économiser le carburant, nous avons dû réduire les distances de freinage. Tout cela est très éprouvant pour nous qui sommes nés pour aller vite et plus vite encore." L'autre triomphateur de la journée est bien entendu l'Armada Porsche.
L'usine se paye le luxe de placer ses trois voitures n°1, n°2, n°3, dans ce même ordre sur la ligne d'arrivée. Quelle belle image que de voir rouler ces trois voitures ensembles, comme attachées l'une à l'autre, toujours au même rythme ; la n°1 devant, la n°2 derrière, et la n°3 fermant la marche. On aurait dit qu'elles étaient seules sur la piste, que rien ne venait de se passer, qu'elles faisaient tout simplement un défilé publicitaire... Magnifique !
A noter qu'avec une consommation sensiblement identique, ce même équipage à couvert 76 kilomètres de plus que leur précédente victoire en 1981 (soit 6 tours de plus). Pas mal non plus.

Comme dirait Coluche "tant que je gagne, je joue !".
C'est peut-être ce que pense Jacky Ickx en 1983, alors qu'il vient de réaliser encore la pole position. Il s'empare d'ailleurs de cette position en pulvérisant le record du tour, puisque réalisant la moyenne fulgurante de 250 km/h. Ses poursuivants sont loin derrière.
Nous sommes dans le 2e tour, au freinage de Mulsanne se produit le premier incident de course. Excès de témérité ou problèmes de freins, toujours est-il que Jan Lammers tarde à freiner (?), voit se rapprocher à une vitesse vertigineuse l'arrière de la Porsche de Jacky Ickx. Il balance sa voiture sur le bas coté pour éviter l'accident, part en tête à queue mais vient tout de même frapper l'avant gauche de Ickx qui entame lui aussi un pas de deux. Par chance les deux voitures ne touchent aucun obstacles et leurs pirouettes terminées, repartent... vers les stands. 2'50" d'arrêt pour changer le capot avant et les pneus de la Porsche n°1 qui repart en 40e position. L'essence est rare mais, petit à petit, voiture après voiture, voilà Ickx et Bell revenus en tête au milieu de la nuit. La boite de vitesses fait des siennes et la n°1 rétrograde à la 3e place, puis à la 5e. Après 20 heures de course la voilà en 2e position à un tour et demi de la Porsche de tête. "Nous devons conduire à l'économie pour terminer, aussi, notre retard est insurmontable". Quel humour ce Jacky Ickx ! Lui, baisser les bras au Mans, même s'il sait qu'il a perdu ? Personne n'y crois bien sûr.
Nous allons d'ailleurs très vite être fixés car à raison de 7 à 10 secondes par tour la n°1 se rapproche de la tête. La fin de course est passionnante. Va-t-on assister à la même arrivée qu'en 1969 ? Derek Bell est plus fougueux que Jacky Ickx car avec lui c'est à coups de 20 secondes qu'il revient sur Shuppan. Mais le temps ne varie pas lui, il ne marque jamais de temps de pause et au coup de gong final, 38 secondes séparent la voiture n°3 victorieuse, de Ickx et Bell.

Ah ! Sans cet accident du 2e tour, sans ces problèmes de boite, si on avait fait le forcing plus tôt... Comme le dit si bien Jacky : "Avec des si, on peut mettre Paris en bouteille. Dans une équipe il y a la voiture qui gagne, la voiture qui a des problèmes et la voiture qui casse. J'ai souvent eu la première, cette année j'avais la deuxième. Ce n'était pas notre week-end".

En 1984 Porsche et Jacky Ickx ne participent pas aux 24 heures du Mans.

En 1985, Jacky Ickx et Derek Bell s'alignent au départ des 24 heures au volant d'une Porsche 962.
Erreur tactique, méfiance, souci d'économie du carburant, toujours est-il que les consignes sont les consignes, et malgré un maigre record du tour, Jacky ne pourra faire parler la poudre.
En effet, bien que l'on sente, et pour cause, une certaine retenue dans l'évolution des voitures d'usine (qui gagnent partout où elles passent) le coup de gong pour Ickx et Bell sonne peu après la 3e heure de course où l'on doit changer la boite de vitesse. L'opération coûte plus d'une heure et toutes chances de victoire. La n°1 va s'enfoncer tout doucement dans le classement pour terminer en 10e position à 7 tours d'une autre Porsche, avec laquelle, Ludwig-Barrilla-Winter ont maîtrisé, il est vrai, tous les problèmes de consommation.

JACKY ICKX NE PARTICIPERA PLUS AUX 24 HEURES DU MANS

Qui c'est qui a dit ça ?
Jacky Ickx reviendra aux 24 heures du Mans en 1991 en tant que consultant pour Mazda.
La marque nippone engagera une voiture à moteur rotatif et remportera l'épreuve.
Jacky Ickx et Hugues de Chaunac contribueront à ce succès.

 

 

D'aventure en aventure

Mon Paris ?... Dakar

Table des matières