Nous avions promis de revenir en 1983, et bien nous sommes là, mais qu'on se le dise, c'est pour gagner.
Mercedes emploie les grands moyens : Assistance lourde, assistance légère, un avion (s'il vous plaît !) qui, depuis les airs, contrôle tout ce petit monde. Confiées à Jacky Ickx, Claude Brasseur et Jean Pierre Jaussaud, deux voitures ont subit un traitement de choc pour êtres capables de ramener les lauriers de Dakar. Des essais en soufflerie ont été faits sur les voitures qui sont pourvues de coupe vent, d'ailerons etc...
Les spéciales Françaises n'incitent pas Jacky Ickx à se défoncer, et au départ des étapes Africaines il est installé à la 5e place. Une série de 5 victoires consécutives et le voilà en tête de la caravane loin devant ses poursuivants. Avec seulement deux participations derrière lui, Jacky a déjà tout appris. Le voilà aussi à l'aise sur une piste de terre, que sur l'asphalte d'un circuit et ça pour un spécialiste du tout terrain, c'est quand même dur à accepter, d'autant plus qu'il est devant, loin devant et que pour aller le chercher ! La traversée du Ténéré fut émaillée d'une tempête de sable dont les rescapés se souviendront longtemps. Un court instant, Jacky connaît des problèmes de moteur avec un cylindre capricieux, puis tout rentre dans l'ordre. L'étape marathon se dispute sans intérêt. Nous sommes à 100 km de Nara, la nuit tombe et voilà le Mercedes immobilisé sur la piste : pont cassé. Le Dakar 83 semble terminé pour Jacky alors qu'arrive Jean Claude Avoyne le pilote d'assistance de Metge. Bien que "concurrent" de Ickx, il soude le pont de la Mercedes qui rallie l'arrivée. L'assistance démonte le pont de la voiture de Jaussaud pour le mettre sur la voiture de Ickx et monte un pont neuf sur la voiture de Jaussaud ; c'est interdit et voilà Jaussaud hors course. Les polémiques vont aller bon train. Trossat et sa Lada jettent leurs dernières forces dans la dernière grande étape à plus de 180 km/h de moyenne mais Ickx est trop loin et à Tiougoune Jacky se préserve définitivement de ses poursuivants. On parle déjà du Dakar au passé et la fatalité est exclue des 150 derniers km.
Dakar accueille donc Ickx et Brasseur en vainqueurs, mais aussitôt l'arrivée franchie une réclamation est portée contre les vainqueurs au sujet de ces échanges jugés non conformes. Le règlement est respecté quoi qu'on en dise, la réclamation est rejetée.
Vexé par cette accusation et ce doute élevé envers Ickx, j'avais fait paraître dans un hebdomadaire automobile quelques mots au travers desquels je me faisais défenseur de mon idole :
Sauvé des Oh ! 10 km... 1 km... et c'est terminé. Ickx et Brasseur voudraient fermer les yeux se laisser transporter par l'élan de leur Mercedes pour franchir la ligne d'arrivée et ne plus penser à rien pendant quelques secondes. Au Paris-Dakar, c'est interdit. Le moindre relâchement et c'est l'accident, l'égarement, les secondes qui s'accumulent. Il faut être sans cesse vigilant car les places sont chères. Cette fois-ci, c'est fini et bien fini. Jacky Ickx et Claude Brasseur viennent de remporter le 5e Dakar. Vingt jours de trous, de bosses, de sable, de tempête de mécanique, de lutte, mais déjà la page est tournée vers 1984. Pourtant notre tandem vedette ne va pas savourer la victoire comme il l'aurait mérité.
"Ickx a triché". "Il a emprunté le pont et le moteur de la
voiture de Jaussaud". Oui, et alors ? Les pièces ont bien parcouru la même distance, et puis, qui l'interdit ? Sabine ? Certainement pas. Mercedes avait même prévu cette éventualité puisque la n° 257 de l'assistance légère aurait été sacrifiée si elle avait été là. Au fait en 1981, les frères Marreau ont bien changé deux fois de moteur. L'an dernier, Briavoine est bien arrivé avec une voiture reconstruite avec des pièces achetées chez un ferrailleur de Gao. Personne n'a rien dit. Ickx tricheur ? Pourquoi ? Il a simplement usé (parce qu'il en avait besoin) d'un paragraphe que le règlement autorisait. Quoi de plus normal ?
"Oui, mais... il a été sauvé par l'assistance de Metge". Ickx a remercié publiquement cette sympathique équipe, sportive avant tout, qui a accompli ce geste dans le seul but de ne pas fausser le classement. Voilà enfin des gens qui pratiquent le sport pour le sport (vous avez dit bizarre ?). Ickx a dominé le rallye depuis le départ, il n'avait plus rien à prouver. Pourquoi le priver de sa récompense ? Et puis rappelez-vous en 1981, le Saint-Bernard ne s'appelait-il pas Ickx ? Et puis dans la tempête de sable, Ickx a bien "remorqué" 5 ou 6 motards. Si on va par-là, peut être que sans Jacky, ces 5 ou 6 motards seraient encore en train de chercher la route d'Agadez ! Alors pourquoi salir, ternir, minimiser la victoire de Ickx et Brasseur ?
Oh, à mon avis c'est très simple. La carrière de Ickx sur circuit est époustouflante mais en rallye africain elle est toute jeune. Que vient faire Brasseur en tête du Dakar ? Il est comédien, il n'a rien à voir avec un coéquipier professionnel. Et en plus ils ont gagné. Evidemment, aux spécialistes, ça leur reste en travers, ils se sont fait devancer par des néophytes. Mais est-ce le fait du hasard ? Non. Seulement Ickx est un pilote de classe super doué. Brasseur a un excellent sens de l'orientation qu'il consolide par une préparation sérieuse. Les deux hommes sont complémentaires. Ils étaient partis pour gagner, ils ont gagné. Hip hip hip hourrah !

De retour en Belgique Jacky fêtait dignement ses 38 ans et son Paris-Dakar. Mais la saison ne faisait que commencer car il fallait penser au Championnat du Monde d'endurance. A Monza, une crevaison prive la Porsche 956 de Ickx et Mass de la victoire. Elle ne termine... que deuxième ! A Silverstone, la Porsche caracole en tête durant les trois quarts de la course mais Mass sort de la piste et détruit la voiture. Il sort indemne de l'accident.
Le "vieux Nürburgring est mort". Jacky est désigné pour signer la fermeture officielle du circuit sur le livre d'or. La logique voudrait que le Roi du vieux Nürburgring inscrive le premier son nom pour la première course disputée sur le nouveau circuit. Mais vous n'avez qu'à parler et voilà Ickx et Mass vainqueurs des 1000 km.
Pour les 24 heures du Mans tout le Monde attend Ickx pour une 7e victoire. Il est là et affiche même ses intentions avec une pole position acquise à 250 km/h de moyenne. Dès le 2e tour il est percuté par le bouillant Lammers et perd 2'50". Un problème de boite de vitesses durant la nuit et au baisser de drapeau 38" séparent Ickx et Bell de l'équipage victorieux Shuppan, Holberts et Haywood, sur la troisième Porsche d'usine. Voilà encore une occasion de revenir l'an prochain. Bob Wollek est en tête du Championnat mais la prochaine épreuve se déroule à Spa. Faudra aller battre Jacky dans son jardin ! Durant les essais la pole position est déjà dans la poche du Belge, aussi les pronostics sont unanimes quant à la victoire de l'enfant du pays. En guise de spectacle, il n'y aura pas de spectacle, à cause précisément, de Jacky Ickx. Pourquoi ? Parce qu'il ne va montrer que l'arrière de sa Porsche tout au long des ces 1000 km. En voilà une de plus à son palmarès.
L'opération est intéressante puisque Wollek ne marque pas de point au Championnat, où Ickx passe en tête. Avant dernière épreuve au Mont Fuji, et dès le départ Ickx, Mass et Bell, Bellof ne se font pas de cadeaux. En 58 minutes les deux Porsche d'usine ont déjà doublé tous les autres concurrents, elles sont carrément collées l'une à l'autre et l'écart maximum les séparant est de 3 secondes. Une crevaison pour Bell et cette mini chenille est rompue. Ickx prend le large mais Bellof revient comme un boulet de canon sur la Porsche de tête. A une heure du but, Mass explose un pneu juste devant les stands. Le diagnostic est surprenant ; un pneu arrière droit a été monté à la place du pneu arrière gauche, qui n'a pas apprécié. Il ramène la Porsche au stand et voilà les favoris en 2e position. Malgré un forcing sans espoir de Jacky, la voiture ne peut rattraper Bell et Bellof.
Le dernier rendez-vous est à Kyalami et si le titre est acquis pour Porsche depuis fort longtemps, il n'en est pas de même pour les pilotes où Ickx et Bell peuvent aussi bien l'un que l'autre prétendre à la couronne mondiale. Comme l'an passé Ickx est à la lutte pour le titre, comme l'an passé il pleut (ou plutôt il va pleuvoir) et comme l'an passé le suspens va durer jusqu'à la fin de la course. Le départ est donné sous une chaleur très lourde qui laisse présager un orage. Les Porsche d'usine s'échappent et au 4e tour, cet orage tant attendu éclate d'une violence et d'une inouïe soudaineté. Les pilotes tentent de rentrer aux stands mais tous n'y parviennent pas dans les meilleures conditions : Serra, Hobbs, Grohs et Ickx... font les frais de sorties de route plus ou moins graves. Jacky et sa Porsche émergent de l'orage dans un état lamentable. On panse les blessures. Elle quitte les stands en 6e position et lorsqu'elle entame sa lente désagrégation, il reste 4 heures 30 de course. La couronne est maintenant sur la tête de Bell. Ickx et Mass emploieront tout leur talent pour amener une voiture qui affiche des allures d'épave à une 3e place suffisante. Le calvaire est maintenant terminé. La couronne revient pour la 2e année consécutive sur la tête de Jacky Ickx.


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