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L'ELECTRONIQUE AU PAYS DES TOUAREGS

Une belle journée d'automne est au rendez-vous du 1er janvier 1985 pour le départ du 7e Paris-Dakar (et les 40 ans de Jacky). Une édition annoncée comme terrible par Thierry Sabine l'organisateur. Mis à part la traditionnelle traversée de l'Algérie, trois jours dans le Ténéré, une fin d'aventure en plein cœur de la Mauritanie... Si vous aimez le sable, n'hésitez pas, c'est ce Dakar qu'il faut faire, engagez-vous.

Malgré la victoire de l'an dernier, toujours en quête d'évolution constante, Porsche va plus loin dans la technologie et le Jacky Ickx Racing Team (Hé oui !) présente trois montures de conception entièrement nouvelle, bourrée d'électronique et de nouveaux alliages.
Pourtant avant d'atteindre les premières étendues de sable, des problèmes de suspension se sont déjà manifestés. Ce n'est qu'à Tamanrasset, que Jacky remportera sa première victoire d'étape. Toute la traversée de l'Algérie aura été nécessaire à la mise au point des Porsche.
6e, 5e, 4e, 3e, 2e, la remontée de Ickx et de Porsche en général est aussi spectaculaire et inquiétante pour les autres concurrents, que pénible sera le déclin total de l'écurie, en un temps tout aussi record.

Mass d'abord effectue plusieurs tonneaux sans dommages corporels pour l'équipage mais détruisant la 3e voiture. Tout échauffé de sentir la 1re place au Général à sa portée après la boucle du Ténéré, Jacky n'a pas le temps de différencier les petits grains de sable, des gros, et c'est un rocher solidement ancré dans une dune qui stoppe net la remontée de la Porsche. Lorsque les journalistes de la télévision poseront la question stupide : "Cet accident est dû à quoi ?". Jacky répondra "D'après vous ? Ha ! Ha ! (petit rire cynique) erreur de pilotage !". Claude Brasseur défendra heureusement cette réponse car il faut reconnaître que l'on ne peut pas remonter une place au Général par jour sans prendre de risques, et le risque se paye.

Pour ma part, je suis fortement déçu de l'intonation de la réponse de mon idole.

Jacky laisse donc tomber le pilotage pour s'occuper à plein temps de son écurie, du moins ce qu'il en reste, à savoir Metge. Cette nouvelle besogne ne s'annonçait pas comme une mince affaire, d'autant plus que Metge venait, à tort paraît-il, d'écoper de trois heures de pénalités pour un contrôle manqué. Le patron n'aura pas le temps d'élever la voie car Metge abandonne deux spéciales suivantes sur casse mécanique. Le Dakar 1985 est terminé pour Porsche.
Zaniroli et Cowan, offrent à Mitsubishi un premier doublé dans les classements du Dakar.

Toutefois, je ne vais pas clore cette page du Dakar 85 sans rapporter ci-dessous quelques lignes splendides vécues sur le terrain par un journaliste semble-t-il tout aussi fanatique que moi de Jacky Ickx :

Le vernis craque, les barbes poussent, cette épreuve est un révélateur. Les plus adorables y deviennent exécrables. Les plus effacés se transforment en leaders. Les égoïstes se font plus égoïstes et les plus généreux plus généreux. Jacky Ickx reste lui-même, courtois, précis et enthousiaste : un gentleman en toute occasion. Il a abandonné entre Dirkou et Iferouane, dans la grande boucle qui retourne sur Agadez. Un rocher, masqué par le sable, il l'a heurté de plein fouet. Les camions étaient partis devant la meute de voitures, son assistance lourde le précédait, restait Kussmaul et son Mercedes, le Saint-Bernard léger.
Cinq heures estimées pour une réparation de fortune du train avant : Jacky a dit non. "Continue derrière Metge, c'est plus important". Le Mercedes est reparti.

L'hélicoptère de Sabine s'est posé, Ickx et Brasseur sont montés, deux héros de la course disparaissaient. Restait un patron d'écurie.

Jacky Ickx aime le Dakar et il joue le jeu. Des pilotes au départ, il détient incontestablement le plus beau palmarès : huit Grand Prix, six fois Le Mans, la Can-Am, l'endurance, Le Dakar. Mais ses épaules ne roulent pas, son équipe était, sur la liste des engagés, la plus puissante et peut-être la plus riche. Le comportement de Jacky et celui de tout son équipe ne le reflétait pas. Ils n'ont pas rallié Alger en avion, contrairement aux autres têtes d'affiches. Ils ont pris le bateau comme tout le monde. Le soir, ils campent au bivouac, comme tout le monde. Personne ne les précède sur le parcours pour réquisitionner hôtels et restaurants. Le café du matin, ils l'ingurgitent à la cantine d'Africatours, comme tout le monde, et en faisant la queue, et en parlant à tous. Brasseur pareil, Metge pareil, Mass pareil. D'ailleurs rien d'étonnant à cela : c'est Jacky lui-même qui a choisi ses équipiers. Ils sont à son image ; des professionnels, mais amateurs dans l'âme.

Le Champion Belge ne se contente pas d'un volant et d'un casque, il porte aussi sur le Dakar la casquette de chef d'écurie. Le patron des Porsche, c'est lui. Les voitures sont engagées sous la bannière du Jacky Ickx Racing Team, les 3 Porsche 959 dont il disposait, conçues, préparées et assistées sur le terrain par les techniciens de Stuttgart, ont été louées à l'usine avec la complicité de Rothmans. Leur optique était de développer la 959, qui est véritablement une nouvelle voiture. C'est pour cette unique raison qu'ils ont accepté de lui en confier trois. Nouvelles elles l'étaient. Jacky et René avaient tout de même effectués à leur volant une dizaine de jours d'essais chacun, en torturant leur monte autant qu'ils le pouvaient sur des routes impitoyables. Pour autant, tous les maux de jeunesse n'avaient pas été décelés, ni localisés, malgré la grande expérience de Porsche en matière de tout terrain ; leur bureau d'étude travaille en effet beaucoup sur du matériel militaire."Ces essais nous ont permis de dépasser le stade n° 1 de développement" dit Jacky. "Nous sommes partis sur le Dakar pour le stade n° 2, c'est à dire avec encore beaucoup de pain sur la planche". Dès le début du rallye les trois voitures connaissaient le même mal qui affectait les suspensions : un axe en était la cause, un tout petit axe de rien du tout qui tenait à un pivot et qui se dévissait. Petite cause, grands effets. La partie supérieure de la suspension s'effondrait quand ce n'était pas les roues qui partaient. Ainsi, Metge en a fait l'expérience, après la sortie d'une spéciale. Heureusement, deux kilomètres avant, il roulait à 180 km/h. Les gens de Porsche ont réagit : "Ils sont formidables" dit Metge, "leur temps de réaction a été remarquablement court. A Tamanrasset nous avons reçu de nouvelles pièces qui tiennent bon. Depuis, plus de problème". C'est ainsi que Jacky, retardé également en début de course pour s'être perdu deux fois, réussit à remonter de la 33e place à la seconde, arrivé à Dirkou.
C'est ainsi que Metge, à la 2e étape d'Agadez aurait occupé la seconde place sans une pénalisation de trois heures pour un contrôle de passage loupé. Jochen Mass, parti en tonneaux après s'être envolé sur une dune, n'a pas eu le temps d'ajouter son grain de sel à la fête. Et puis Jacky a trébuché sur un rocher caché, ce qui au demeurant peut arriver à tout le monde. Dommage en un sens de le voir victime d'une aussi stupide "hors course", lui qui est un remarquable pilote de désert.

Les photographes postés sur le parcours remarquent souvent : "Ickx est vraiment impressionnant. Il ne conduit pas, il louvoie. Les autres pilotes foncent tout droit. Lui, son museau oscille sans arrêt pour éviter le moindre piège et surtout à la recherche du terrain le plus dur pour éviter de s'ensabler". Véritable renard des sables, il excelle également dans l'art de l'endurance. "Le moindre trou, le moindre creux" raconte son coéquipier Brasseur, "il freine, s'arrête presque, passe au point mort, première et ré accélère après". Jacky donnait l'impression de préserver son matériel pour en recueillir le maximum d'informations, sans chercher la victoire à tout prix. Ce n'était pas comme l'an dernier la charge héroïque. Passé le rocher fatal Jacky a continué comme team manager. La 959 de Metge conservait en effet toutes ses chances de victoire. Dans son rôle de patron, Jacky suscite également des éloges flatteurs. Le soir, au campement, il veille inlassablement sur ses ouailles, il les couve, reste auprès d'eux, participe à leur travail. Metge dit "C'est un grand patron. Avec lui pas d'ambiguïté. Tout est clair et net". Nous en avons eu une illustration à In-Salah. Jochen Mass, supposé rouler en protection de Jacky et de René, venait de les doubler comme une fusée dans une spéciale, "Ce n'est pas son rôle" constatait Jacky. Le soir même au bivouac il l'expliquait à Jochen, rassurant par la-même René Metge. Le lendemain matin ils restaient tous les trois, les meilleurs amis du monde. Ickx, après son abandon, retrouvait Metge à Iferouane. "Il était vert de son abandon, mais il n'en a rien montré" raconte René, "Il s'est bien occupé de moi, s'est bien soucié de ma voiture. Il était décontracté et souriant". Metge avait-il prit trois heures de pénalisation sur un contrôle mal placé ? "C'est mon problème" dit Jacky à René, "ne t'en préoccupe pas, s'il faut poser réclamation parce que le contrôle a changé de place, c'est mon affaire. Ne te met pas martel en tête, concentre-toi sur ta course".
"Tant que nous avions des problèmes techniques" conclut René Metge, "je n'ai jamais perdu confiance. J'ai fait beaucoup d'efforts pour rattraper mes trois heures de retard du début de course. Vu ce qu'il reste à faire, c'est injouable".
Cinq minutes plus tard, clin d'œil à l'appui : "On a tellement appris sur cette Porsche 959, tu va voir l'année prochaine".

L'année prochaine nous seront là... pour voir !

 

Le maître et l'élève

Bonjour Madame la poisse

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